Il y a déjà longtemps que Jean de la Fontaine Nous racontait l’histoire d’animaux infectés Par une maladie d’origine incertaine, « Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés! »
Plus de trois siècles après, on pensait volontiers L’image de la peste largement dépassée Pour comprendre ce qui pourrait bien se passer! Ils n’en meurent pas tous mais tous en sont frappés...
Un virus inconnu, brusquement apparu, Envahit récemment quelque pays lointain. On l’observa, bien sûr, mais personne ne crut Qu’il pourrait, du même coup, menacer les voisins.
Le virus commença partout à se répandre, Tel un guerrier vainqueur au sommet de sa gloire, A terrasser les foules, à régner, à surprendre, A écrire sa page d’une bien sombre histoire.
Il fallut tout d’abord nommer cet ennemi Et pour cela confier aux plus grands des chercheurs Le soin de décider, en grande académie, Du nom qu’ils donneraient à ce dévastateur.
Un détail apparut qui prit son importance: En spectre couronné le virus se montrait, En symbole effrayant de sa grande arrogance Le voici « Corona » et son nom s’imposait.
Le Coronavirus désormais reconnu Roi de la pandémie, ennemi déclaré, Sur tous les continents redouté, attendu, De la Chine à l’Europe fléau d’humanité...
Le malin fit son œuvre, il tua par milliers Comme avant lui la lèpre, la peste, l’avaient fait. Le monde s’arrêta pour le contrecarrer, La guerre était partout, la mort se répandait.
Il fallait réagir! Monsieur le Président, S’adressant aux français, un soir prit la parole Et solennellement déclara «Confinement»! Fermeture d’abord des crèches et des écoles
Et fermeture aussi des collèges, des lycées, Des universités, théâtres, librairies, Des piscines, salles de sport, restaurants, et cafés, Des salles de concert, des commerces aussi!
Interdit de sortir, de flâner, de courir! Restez chez vous, faites votre télétravail Réjouissez vous d’avoir encore un livre à lire! Car le confinement, il n’y a que ça qui vaille.
Unité du pays! La guerre est déclarée! Prenons soin des plus vieux, ensemble combattons! Masques, gants et gel, tout vous sera distribué Et coronavirus ensemble nous vaincrons.
La guerre est déclarée et c’est l’état d’urgence Tout le monde est d’accord: urgence sanitaire! Les très mauvaises langues dénoncent les carences Pour le reste c’est clair: l’urgence est policière...
Restez chez vous le jour ou bien dérogation! N’embrassez plus personne, ne jouez pas à ce jeu Ne serrez plus les mains, pas de propagation Ne sortez plus le soir, là c’est le couvre-feu!
Ceux qui n’ont rien à dire ont tous pris la parole Pour réduire au silence ceux qui montent au front Soignants et médecins, dans une course folle, Ont tenté de pallier le peu de munitions.
« Il n’y a pas de lits de réanimation Qu’importe l’armée vient et vous prête main forte Oui nous assurerons l’union de la nation L’Hôpital de secours vous ouvrira sa porte... »
Victor Hugo aurait su dire la colère Du peuple qui entend parler son Président! « Bon appétit Messieurs Ô Ministres intègres! Quel remède à cela? L’état est indigent »
Et l’hôpital public pleure depuis longtemps L’absence de moyens, l’ultra-libéralisme, Les choix délibérés de nos gouvernements, La réduction des coûts jusqu’à son paroxysme.
Les personnels usés, en nombre insuffisant, Craignent que la santé devienne marchandise Mais, sans alternative, admettent cependant Qu’il faille tout donner pour faire face à la crise.
Et ça dure et ça dure! Il nous faudra longtemps Pour sortir de la crise, analyser, comprendre, Ce que le corona révèle de ce temps, De nos manières d’être ce qu’il nous faut entendre.
Ce virus est toxique, il tue, c’est effrayant Mais il nous faut bien voir qu’il parle d’autre chose: De nos modes de vie, de notre environnement... Dans tout cela peut-être il faut faire une pause.
La peste revenant a changé d’apparence Nous croyons tout savoir, dominer, maîtriser, Nous regardons le monde avec tant d’arrogance Que nous n’avons pas vu arriver le danger!
Et quand nous sortirons de ce confinement, Ce sont nos modes de vie qu’il nous faudra changer, Sans quoi, nous le savons désormais parfaitement, Nous n’en mourrons pas tous mais tous serons frappés...
Réveillons nous, debout les damnés de la terre! Confinés, isolés, reliés symboliquement Virus, faim dans le monde, précarité, misère! Rêvons encore un peu mais solidairement...
Michel Billé, Le 26 mars 2020.