Ainsi va le monde n° 38 Qui suis je ?

Un pays construit en privant des êtres humains de leurs oranges.

Un pays rien que pour soi occupé par des individus ayant la même identité, la même religion et avec une seule langue officielle ? Obtenu en effaçant la partie de la population ayant une identité différente, en la cantonnant dans des zones limitées et enclavées, proches du ghetto. Pour ce faire, il faut promulguer des lois discriminatoires qui permettent l’expropriation de terres et la prise de quartiers entiers pour y implanter les personnes que nous dirons de « bonne souche ». Par la destruction des habitations ou le refus de permis de construire aux « indésirables ». Ou encore en les privant de leurs oranges.

Crée par la récupération d'habitations pour permettre à ceux venant de l'étranger ayant la « bonne » identité de venir s'installer au pays. Difficile à faire ? Pas du tout. Il suffit d'une loi qu'on appellera par exemple « loi du retour ». Elle permet à ceux qui sont conformes, disséminés un peu partout dans le monde, de pouvoir récupérer des maisons où quelques-uns de leurs ancêtres éloignés ont vécu. Évidemment, cette loi ne vaut pas pour les importuns même anciens propriétaires. D'ailleurs, ils n'ont pas la possibilité de revenir dans leur pays. Enfin, « leur » c'est vite dit, car justement il n'est pas établi que ce soit le leur.

Constitué par la construction de murs ou de rideaux de barbelés derrière lesquels est concentrée la partie dérangeante de la population. Mais comme on peut néanmoins en avoir besoin comme main-d'oeuvre bon marché, on laisse ouvert, entrouvert, entrebâillé ce qu'on appelle en français des check point ou points de contrôle. Assez humiliants d'ailleurs et plutôt proches de l'entrave physique. Nous-mêmes en avons un aperçu aux points de contrôle dans les aéroports où les objets personnels, chaussures, vestes, ceintures, chaussettes, montres... sont examinés, inspectés, au vu et au su de tous avec palpations du corps en prime.

Fondé sur une légitimation. Pour être légitimes, toutes ces dispositions doivent être inscrites dans le marbre d'une constitution. Les lois ont leur intérêt certes, mais elles restent fragiles et aléatoires. Elles ne sont pas fondamentales, constitutives ou, comment dire ? transcendantes. Ainsi faut-il doté le peuple élu d'un État-Nation qui sera comme son foyer... national. Il faut aussi que, si par exemple un individu s'approprie même illégalement un bien, ce soit sous couvert d'un intérêt général et bien sûr national. Intérêt national autrefois assorti de la mention socialiste. Le tout au nom du Bien ou plus commode, au nom des Droits de l'Homme.

Se réclamer d'une histoire, d'une culture, mais le plus efficace est de se poser en victime. En victime d'un complot ourdi évidemment par des ennemis, ces derniers donnant de nombreuses preuves réelles ou imaginées de leur volonté d'élimination du peuple sain et pur. Ces ennemis sont entendus comme un groupe fantasmatique, homogène et présentés comme responsables des conflits quand ils ont lieu ou s'ils ont lieu. Dès lors tout est permis. Et notamment leur extermination ou plutôt leur destruction, mot plus doux à l’oreille. On évoquera alors un « nettoyage ethnique ».

Pour répondre à la question posée, qui suis -je ? on pensera à l'apartheid, c'est-à-dire, selon Wikipédia, une politique de développement séparé affectant des populations selon des critères raciaux ou ethniques – on pourrait ajouter religieux – dans des zones géographiques déterminées. L'Afrique du Sud en fut le modèle. Elle eut aussi son Parti national. Il faut dire que là encore une minorité, blanche en l'occurrence, était anxieuse de se voir « engloutie par la masse des peuples », noirs là-bas. Cette anxiété nous l'avons aussi en France lorsque nous songeons au « grand remplacement ». Manuel Valls avait noté l'existence en France d’ « un apartheid territorial, social, ethnique ». Pour le pays qui nous occupe, il en a la couleur, le goût… mais ça n’en est pas comme disait à peu près la pub. Alors quoi ? Une société militarisée, ultra-technologisée, un peu totalitaire, un peu autoritaire, un goût d'apartheid, un peu démocratique ou à démocratie limitée, ou bien une « démocrature », accueillante pour les touristes et ses oranges goûteuses ... qui puis-je bien être ?

https://youtu.be/VjykecfqL9o

Didier Martz, le 15 mai 2021 Philosophe, auteur « Ainsi va le monde », un recueil de chroniques philosophiques. Www.cyberphilo.org

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