n°39 - Blanche-Neige, le Prince charmant et le baiser

Où il sera question d'un baiser donné sans le consentement de l’intéressée et plus encore où dans le conte des frères Grimm sont tenus des propos désobligeants pour les femmes. On en profitera pour expurger le conte de tous ces éléments et par la même occasion de la scène anthropophage où la reine se propose rien moins que de manger le foie et le cœur de Blanche-Neige ! Dire qu'enfant j'ai lu ce conte ! Et d'autres encore...

Jean-Pierre Hamel, ami et néanmoins philosophe, publie dans son blogspot, « Le point du jour » (consultable tous les jours sur le web), un billet à propos du conte des frères Grimm ( des 18e et 19e siècles), le conte Blanche-Neige et les sept nains. Il y est question notamment du baiser donné par le Prince charmant à Blanche-Neige qui comme chacun sait ou devrait savoir est tombée dans un coma profond suite à l'ingestion d'une substance toxique contenue dans une pomme encore nommée Malus Domestica de la famille des Rosacées. Ceci dit scientifiquement. Dans le conte, on dit simplement qu'elle s'est endormie pour toujours après avoir croqué dans la belle pomme rouge que lui avait offerte la sorcière empoisonneuse. Mais, un Prince charmant et charmeur arrive, lui pose délicatement un baiser sur les lèvres et réveille la belle endormie. Et les voilà convolant en justes noces. Ils eurent sans doute beaucoup d'enfants.

Jean-Pierre Hamel écrit que des ligues féministes ont réclamé que Disneyland retire de son attraction la scène reproduisant le baiser donné par le Prince à Blanche-Neige. Pourquoi ? Parce qu’endormie, elle n’a pu consentir à ce baiser. Par conséquent c'est un baiser volé. Selon Katie Dowd et Julie Tremaine, c'est un baiser volé, car, je cite : « Un baiser qu’il (= le Prince) lui donne sans son consentement, pendant qu’elle dort, ce qui ne peut pas être le véritable amour à moins que la personne sache ce qu’il se passe ». À la suite de cette revendication, le philosophe pose alors les questions suivantes :

Allons-nous priver nos enfants de la magie des contes de fées, ou bien nous récrier en évoquant : 1° le fait que pour Blanche-Neige ce baiser n'est pas seulement le baiser d'amour, mais qu'il est surtout un rituel magique et qu'il est le seul moyen de la sauver du sortilège de la méchante sorcière ; 2° que Blanche-Neige à son réveil tombe immédiatement amoureuse du Prince charmant, et que s’il lui avait demandé son consentement elle aurait dit : « OUI » ; 3° que les enfants ont de tout temps fait la différence entre les contes de fées et la réalité – et qu’ils s’y intéressent justement parce qu’ils en diffèrent ; 4° enfin que cet épisode est l’occasion pour les parents de montrer aux enfants que, si ce genre de baiser est permis du fait de la magie du conte, dans la réalité les baisers doivent être explicitement consentis.

Notre polymathe ajoute qu'on n’en a pourtant pas fini avec les baisers magiques qui sont couramment utilisés dans les films de Disney pour obtenir la transformation miraculeuse d’un crapaud ou d’une grenouille en Prince ou en Princesse. On n’a jamais entendu quiconque protester au nom du respect dû aux grenouilles de ne pas se voir imposer un baiser impromptu. D’ailleurs, comme le montre cette image tirée de « La princesse et la grenouille » le petit animal paraît absolument consentant (il est vrai que contrairement à Blanche-Neige il ne dort pas, mais la ligue de défense des animaux aura sans doute son mot à dire). La question du baiser volé ne se pose pas ici : alors, pourquoi en parler ? Eh bien voilà : après que Disney ait sorti le film d'animation « La princesse et la grenouille », plus de 50 enfants ont été hospitalisés après avoir embrassé des grenouilles : ils avaient attrapé la salmonelle. Alors certes, les enfants ne risquent pas une telle mésaventure avec Blanche-Neige. Mais, consentement ou pas, se pose avant tout la question sanitaire : voit-on dans cette scène le Prince faire un test PCR avant d’embrasser la belle endormie ? Eh bien non !

Fin du billet de Jean-Pierre Hamel. En relisant le conte, je suggère moi aussi et de conserve avec les ligues féministes qu'on supprime du conte les passages qui donnent une image diminuée de la femme. Par exemple : - La méchante reine s'adressant au miroir : « Miroir, mon beau miroir, qui est la plus belle au pays ? » On laisse entendre ici que la seule préoccupation d'une femme est d'être belle voire la plus belle entre toutes les femmes ; - Les nains à Blanche-Neige : «Si tu veux t'occuper de notre ménage, faire à manger, faire les lits, laver, coudre et tricoter, si tu tiens tout en ordre et en propreté, tu pourras rester avec nous et tu ne manqueras de rien... - D'accord de tout mon cœur, répondit Blanche-Neige. » Domestication et soumission sont là les deux mamelles de la femme... si je puis dire ou n'aurait pas dit le duc de Sully. - Le prince charmeur et sans doute pervers à Blanche-Neige  : « Je t'aime plus que tout au monde, viens avec moi, tu deviendras ma femme. » Laissant entendre qu'il accède ainsi à la propriété en quelque sorte !

Et puisqu'on y est, de conserve avec les sermonneurs, on en profitera, pour retirer la scène horrible et anthropophage où la reine démoniaque demande au chasseur chargé de tuer Blanche-Neige de prélever son foie et son cœur qu'elle mangera ensuite. Enfin croit-elle. Nous aurions ainsi un conte aseptisé, stérilisé et désinfecté et racontable aux enfants. Ainsi va le monde !

Didier Martz, le 23 mai 2020 Philosophe, auteur et musicien.

https://youtu.be/Rab46J27xrs

www.cyberphilo.org Ainsi va le monde, un recueil de 405 chroniques plus une.

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