27 – Islamo, judéo, christiano-gauchisme

Où comment l'islamo-gauchisme pourrait devenir un mouvement politique révolutionnaire inspiré de la théorie chrétienne de la libération d'Amérique latine

Avec le séparatisme, un nouveau -isme apparaît aujourd'hui dans le paysage langagier. C'est l'islamo-gauchisme. Il semble vouloir désigner ceux qui soutiennent ostensiblement les musulmans et leur droit à exercer leur religion dans une société laïque. Sauf que musulman = islam = islamiste = terroriste potentiel et que par conséquent soutenir les premiers, les musulmans, c'est soutenir les terroristes. Voilà pour islamo- dans islamo-gauchisme. Pour gauchisme, il semble - ou plus qu'il semble - que ce soutien vienne essentiellement de la gauche et plus précisément de la gauche dite radicale qui s'arrête grosso modo aux portes du parti socialiste sans toutefois les ouvrir. À l'origine, les gauchistes sont plus radicaux que les communistes lesquels d'ailleurs les ont toujours combattus. Comme disait Lénine, le gauchisme est la maladie infantile du communisme.

Pour tenter de définir ce terme s'il est possible de l'enfermer dans une définition, il est intéressant d'observer d'où vient l'expression qui sonne plutôt comme une accusation. Elle vient essentiellement de ce qu'on appellerait la droite, mais comme une grande confusion règne aussi de ce côté-là, on peut englober tout ce qui part du centre MODEM/LREM voire du parti socialiste jusqu'à l'extrême droite. Dans ces partis, l'expression d'islamo-gauchisme est principalement utilisée pour discréditer une partie de l'opposition qui s'en défend. Bref, en dehors de l'usage, il est difficile d'en trouver une définition claire. Néanmoins, et chacun semble s'accorder sur ce point, il existe un islam politique comme il y a eu et il y a encore un judaïsme politique et un christianisme politique.

Avec ce qu'on appelle islamo-gauchisme, il s'agit encore une fois du rapport entre religion et politique. Rien de bien original jusque-là. L'islam c'est la religion, le gauchisme c'est la politique. Quoi qu'on en dise, c'est un rapport constant et étroit et ce n'est pas la séparation de l'Église et de l'État ou la laïcité qui altère fondamentalement ce rapport. Le religieux est toujours peu ou prou politique et la politique toujours peu ou prou religieuse dans son côté messianique et prometteur. Difficile de les séparer. Le président de la République Macron est premier et unique chanoine d'honneur de la basilique Saint-Jean-de-Latran, la cathédrale du pape, un titre hérité d’Henri IV, et le pape François dans une encyclique très politique fustige le néolibéralisme et le consumérisme numérique. Et, là-bas au loin, Joe Biden l'américain jure sur la Bible. On ne voit pas pourquoi un chrétien, un musulman croyant, un juif ou autres n'auraient pas d'opinions politiques et n'interviendraient pas dans le débat. Et ne revendiquerait pas du pouvoir.

En remontant dans le temps, du côté des années 60, un vaste mouvement théologique embrase toute l'Amérique latine sous le nom de théologie de la libération. Elle offre une réponse spécifique à toutes les communautés opprimées : «La théologie de la libération dit aux pauvres que la situation qu'ils vivent actuellement n'est pas voulue par Dieu», dira son promoteur péruvien Gustavo Gutiérrez. On retrouve dans ces années-là en France et dans une moindre mesure, un mouvement reposant sur la même inspiration marxiste avec ceux qu'on a appelés les prêtres-ouvriers qui comme les maoïstes s'établissent en usine pour y vivre leur ministère. En ce sens, il a existé – et osons le néologisme -, un christiano-gauchisme à orientation révolutionnaire. De même qu'il existe un judéo-gauchisme.

Louis Aragon dans le recueil poétique la Rose et le Réséda fait se rencontrer ceux qui croit au Ciel et ceux qui n'y croient pas sur la base d'une lutte contre la pauvreté et l'émancipation des individus de toute espèce de servitude. Ainsi comme un christiano-gauchisme et le judéo-gauchisme, l'islamo-gauchisme pourrait prendre le sens d'une religion orientée vers la Terre et pas seulement vers le Ciel. Il ferait sien le propos de Gustavo Guttierez, le péruvien, pour dire aux musulmans croyants que la situation qu'ils vivent n'est pas voulue par Allah. Et qu'il y a des raisons bien terre-à-terre à leur pauvreté, aux injustices et inégalités dont ils sont frappés. Ainsi irait le monde !

Didier Martz, le 27 février 2021 Philosophe, auteur

https://youtu.be/HPay2Clstx0

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