419 - La coupe du monde de football 2018

Le foot au-delà des clameurs, de l'argent, de la publicité, c'est d'abord un marqueur social. Et il est populaire parce qu'il est pratiqué dans les rues de Manille, de Paris ou d'Alger ou les pâtures des villages par des enfants du peuple en grande majorité. « De n'importe quel pays, de n'importe quelle couleur », le foot est l'expression, et parfois le cri, de classes sociales qui n'ont pas bénéficié du ruissellement tant promis. A croire que la pente n'est pas assez pentue pour que la manne arrive jusqu'à eux et reste bloquée au sommet de la colline !

Le foot reste populaire parce qu'il est accroché à des souvenirs d'enfance et que c'est à son école qu'on apprend une partie de ce qu'est la vie. Comme disait Albert Camus « Vraiment le peu de morale que je sais, je l’ai appris sur les terrains de football et les scènes de théâtre qui resteront mes vraies universités. » Pour Albert Camus, le football est vécu comme une véritable école de la vie. Pas étonnant alors qu'il imprègne les consciences.

On y apprend des règles morales et des règles du jeu. On les apprend et on les respecte. Comme nous jouions dans la rue, il fallait les adapter à la situation, certes en s'inspirant des règles générales du football professionnel mais en tenant compte des trottoirs, des murs qui bordent le terrain et autres reliefs. Elles seront dans l'ensemble respecter. « Obéir aux lois qu'on s'est prescrite dit Rousseau est liberté ». A l'époque nous ne savions pas tout cela, juste des intuitions du respect des règles et du fair-play.

Le fair-play ou franc-jeu signifie une conduite honnête au cours du jeu. Cette notion recouvre à la fois le respect de l’adversaire, des décisions de l’arbitre et du public, mais aussi la loyauté, la maîtrise de soi et la dignité dans la victoire comme dans la défaite. C'est sans doute de cela dont veut nous parler Albert Camus lorsqu'il nous parle de ce que c'est que « savoir la morale ». Toutes choses que les entraîneurs de club d'enfants tentent d'inculquer mais ils ont à faire face à ces images diffusées de « coup de tête », de méchants tacles avec intention de faire mal, de gestes hargneux. Récemment un certain Griezmann recommandait à M'Bappé d'être, je cite, : « un peu plus tueur !» Sans commentaire. Néanmoins, quelques gestes réconfortants moralement apparaissent au cours d'un match et on se dit que tout n'est pas perdu...

Au foot des enfants, on apprend aussi l'humiliation et l'injustice, ce que c'est que d'être faible. La touche, être sur la touche, être mis sur la touche en sont les expressions symboliques. Témoignage. La constitution d'une équipe obéit à un rituel tenu par les deux enfants les plus forts qui vont choisir à tour de rôle les membres de leur équipe. C'est l'épreuve du pied. Face à face, à environ trois mètres, l'un pose un pied, l'autre de même ; puis un autre pied talon collé à la pointe de la chaussure et encore un autre et ceci alternativement. Les pieds chaussés se rapprochent et fatalement un pied recouvrira l'autre : celui-là aura gagné le droit de commencer à choisir le premier membre de son équipe, le deuxième plus fort évidemment. Puis c'est autour de l'adversaire. A toi, à moi. Progressivement le « stock » de joueur diminue pour arriver aux plus faibles dont je fais partie. C'est l'épreuve de la honte, de l'humiliation peut-être même d'une injustice... naturelle. Pourquoi la nature ne m'a pas fait plus fort pour être choisi en premier ? Mais comme le disait un des sujets du bac philo : «  est-ce que l'expérience de l'injustice permet de savoir ce qui est juste ? ». Je ne sais pas, j'en faisais juste l'expérience. Mais il suffisait de chausser ses premières chaussures à crampons vissés et d'arriver fièrement avec son ballon de cuir bien graissé pour se rehausser. Ainsi va le monde ! Ainsi va le monde !

Didier Martz le 26 Juin 2018

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