Notre réflexion sur le progrès vient interroger sur la valeur de ces nouveautés qui apparaissent chaque jours et que nous sommes invités à adopter et à encourager. Dans le même temps nous pouvons examiner cet étrange pouvoir du progrès : celui de ne jamais s’arrêter, d’être sans cesse recouvert par des nouveautés surgies l’avenir. Enfin, nous pouvons être désabusés par le renversement de valeur des faits annoncés comme progrès et qui se révèlent à bien des point de vue comme des régressions. Le progrès ne serait-il donc qu’une fatalité ? Le progrès est l’un de ces mots usés pour avoir trop servi, qui sont devenus obèses pour contenir trop de sens et servir dans trop de contextes. Quand on parle de progrès on vise deux sens différents : l’un désigne des faits concrets, qui manifestent une augmentation à la fois quantitatif mais aussi qualitatif. On parle en effet aussi bien des progrès de la médecine, mais aussi des progrès de la maladie. Dans un autre sens le progrès désigne un mouvement vers une amélioration des conditions de vie des hommes, supposée venue du passé et imaginée se prolongeant vers l’avenir. Le progrès est alors une théorie, une idéologie, bref, une vision du monde qui ne repose que sur une croyance et non sur une observation. Nous proposons pour plus de clarté de réserver le terme de progrès pour les faits concrets et le nommer cette théorie le progressisme.
C’est ainsi que, du point de vue des faits, le progrès existe grâce à des découvertes et des innovations dont on peut facilement voir si elles correspondent à une amélioration de la vie ou bien si ce qu’on gagne grâce à elles est reperdu instantanément par ailleurs, comme le joueur de dé de notre introduction. Mais le philosophe voudra savoir si le progrès obéit à une idéologie, une « vision du monde » pour laquelle il est la marque d’une destinée soutenue par la nature de l’homme ou par un Dieu sévère. Y a-t-il une structure du monde qui fasse place au progrès indéfini ? Et qu’entend-on lorsqu’on parle de « progressisme » ? Le progressisme est un courant de pensée qui considère qu'une transformation profonde des structures sociales et politiques doit être accomplie pour une plus grande justice sociale et pour l'amélioration des conditions de vie. Il s'oppose au conservatisme. Les progressistes croient au progrès moral de l'humanité et aux bénéfices que le développement des sciences et des techniques peut apporter au plus grand nombre. /Le terme "progressisme" a été créé vers 1930, avec l'idée selon laquelle l'organisation sociale et politique actuelle résulte d'un processus historique continu d'amélioration qui peut être poursuivi, voire accéléré par des réformes souvent radicales. – La Toupie/ C’est ce courant de pensée qui sera notre piste.
A – Mise au premier plan du progressisme
- Dès le 17ème siècle la science est apparue comme la source essentielle de l’amélioration de la vie des hommes. Ainsi Descartes qui écrit dans le Discours de la méthode (6ème partie et dernière partie) /Le Discours de la méthode introduction aux traités scientifiques écrits par l'auteur, soit La Dioptrique, Les Météores et La Géométrie, et publié en 1637 en français/
Le texte que nous allons lire et commenter répond à deux questions : 1) d’abord, l’action des hommes sur la nature est-elle possible ? D’où lui vient l’efficacité de ses techniques ? 2) Et ensuite : est-ce souhaitable ? Les hommes peuvent-ils souhaiter changer la nature ? 1) Efficacité de ses techniques « …/Ayant acquis quelques notions générales touchant la physique/ et connaissant la force et les actions du feu, de l'eau, de l'air, des astres, des cieux et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres, et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature. » La science est associée intimement à la technique car l’action humaine sur la nature utilise des lois qui sont les mêmes que celles qui la gouvernent : les lois de la natures sont dites des lois mécanistes, /autrement dit conformes à une théorie admettant qu'une classe de faits, ou même l'ensemble des phénomènes, peut être ramené à un système de déterminations mécaniques/. Le « mécanisme » au XVIIe siècle vise à réduire tous les phénomènes physiques à des chocs entre particules ayant des propriétés mécaniques très simples. C’est ceci qui permet à Descartes comme on vient de le voir de mettre l’action des artisans sur même plan que les phénomènes naturels en mettant en œuvre ces lois naturelles, afin d’obtenir des effets bénéfique aux hommes – on comprend ainsi que les hommes de viennent comme maîtres et possesseurs de la nature » - « comme » étant ajouté pour signifier que seul Dieu est le véritable maitre de la nature.
2) Le pouvoir des hommes sur la nature étant possible, est-il aussi souhaitable (autrement dit : le progrès ainsi obtenu est-il une bonne chose ?) Que peut-on attendre de ce pouvoir des hommes sur la nature ?
- Lisons la suite : « /… devenir comme maitre et possesseur de la nature/ Ce qui n'est pas seulement à désirer pour l'invention d'une infinité d'artifices, qui feraient qu'on jouirait sans aucune peine des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s'y trouvent, mais principalement aussi pour la conservation de la santé, laquelle est sans doute le premier bien et le fondement de tous les autres biens de cette vie ; car même l'esprit dépend si fort du tempérament, et de la disposition des organes du corps que, s'il est possible de trouver quelque moyen qui rende communément les hommes plus sages et plus habiles qu'ils n'ont été jusques ici, je crois que c'est dans la médecine qu'on doit le chercher. » L’amélioration des conditions de vie matérielles des hommes augmentent simultanément leur niveau moral. C’est exactement ce qu’affirme le progressisme. Descartes ne donnait-il pas trop de pouvoir à la science des hommes ? A la même époque, Bacon disait plus prudemment : « On ne commande à la nature qu’en lui obéissant » dit Bacon dans le Novum organum (1620) soulignant ainsi qu’il ne s’ait pas de dicter de nouvelles lois à la nature mais simplement de les activer dans des circonstances où elles ne se trouvent pas naturellement. / Francis Bacon né le 22 janvier 1561 à Londres et mort à Highgate en 1626, un philosophe et un homme d'État anglais. Il a défendu la possibilité d'une connaissance scientifique basée uniquement sur un raisonnement inductif et une observation minutieuse des événements de la nature./ Mais le mouvement développé par Descartes est resté le moteur de l’histoire. C’est Zola qui au 19ème siècle pensait encore : « Je crois que l'avenir de l'humanité est dans le progrès de la raison par la science. »
3) Le progrès ne serait donc pas souhaitable ? :
- La contestation du progrès et donc aussi du progressisme vient d’abord de la religion.
On se souvient de la rétractation à laquelle a dû se livrer Galilée pour avoir soutenu une thèse en contradiction avec les leçons de la Bible. Comment la terre pourrait-elle être à la marge du système solaire alors qu’elle est le sommet de la Création ? De plus comment espérer obtenir par la seule force de la raison humaine ce que selon la révélation Dieu Seul peut lui fournir ? Ce que la religion chrétienne promet aux fidèles c’est qu’ils seront sauvés non par leurs chétifs efforts mais par la grâce divine, comme les hébreux fuyant l’Égypte à travers le désert et recevant la manne céleste pour toute nourriture. Le progressisme ne suppose-t-il pas chez les hommes un pouvoir qu’ils ne possèdent pas, faisant de leurs effort de ridicule gesticulation ? De fait, le progressisme en sécularisant la responsabilité de fournir aux hommes les biens dont ils ont besoin, en mettant fin aux fléaux qui les accablent à savoir : les maladies, la faim, le malheur humain et la bêtise promet leur disparition conjointe, ne promet-il pas bien plus qu’il ne peut tenir ? Qui peut affirmer que l’homme tout puissant est en même temps un homme sage ? La science lui-apporte-telle comme le croit Descartes la sagesse d’en user prudemment ?
- La critique du progrès passe d’ailleurs par la dénonciation de cette responsabilité : comme Frankenstein, les hommes de science utilisent leur pouvoir non, pour faire le bien, mais le mal. Le cas du covid a été analysé comme cela : un virus aussi pervers que celui-ci n’a pu exister que par le capacité créatrice des humains et non par la prudente nature.
Contrairement à Bacon, les hommes modernes veulent outrepasser les lois de la nature : cf transhumanistes (p.2) et Frankenstein (ci-dessus). Comme Prométhée dérobant aux Dieux le feu livrant aux hommes les moyens de l’industrie et de la technique, l’orgueil des humains a été alors libéré,
- Mais c’est d’abord l’Homme qui apparait, selon le progressisme, doué d’un pouvoir intrinsèque assurent sa toute-puissance sur la nature.
A la suite de Descartes, qui a allumé l’étincelle, les Lumières se présenteront autant comme la promotion de l’ego que comme celle du progrès. Le progrès, ainsi, n’est pas seulement l’accumulation quantitative et qualitative des sciences, le développement technique ; IL EST AUSSI L'ASSOMPTION DU MOI, SON PASSAGE HISTORIQUE DE LA MINORITE A LA MAJORITE.
B – Le progressisme, une théorie de la responsabilité humaine dans l’évolution historique
Et c’est là que les critiques pleuvent : sachant quel est l’objectif, comment oublier que le progrès apporte comme on le voit aujourd’hui encore des ravages terribles ?
- C’est Paul Ricoeur qui pose la question de façon décisive en 1955 dans Histoire et vérité, l’un de ses premiers ouvrages,
« Le thème du progrès ne se constitue que si on décide de ne retenir de l’histoire que ce qui peut être considéré comme l’accumulation d’un acquis. ... Ce trait de l’histoire c’est celui qui permet justement de l’appeler progrès et non pas seulement évolution, changement ou même croissance affirmer que cette croissance d’outils, de savoir et de conscience est un progrès, c’est dire que ce plus est un mieux. »
- On connait cette critique du progrès qui passe par la dénonciation de l’accumulation des forces humaines réalisée au détriment de l’humanité et de la planète : elle a été théorisée par la « loi de Gabor » :
La « Loi de Gabor » (Dennis Gabor, physicien hongrois) qui pourrait nourrir notre réflexion sur le progrès. A noter qu’il ne s’agit que du progrès technologique ; il en va tout autrement du progrès moral (d’où le problème) « C'est sa propre vitesse qui fait progresser la technique et ceci pour deux raisons : la première est qu'il faut entretenir les industries traditionnelles. La seconde n'est autre que la loi fondamentale de la société technicienne : "ce qui peut être fait techniquement le sera nécessairement". C'est ainsi que le progrès applique de nouvelles techniques et crée de nouvelles industries sans chercher à savoir si elles sont ou non souhaitables. » Dennis Gabor/
- Selon Ricoeur, l’évolution technique en laquelle se résume le plus souvent le « progrès » (au sens abstrait) est donc soumis à l’évaluation de l’évolution morale de l’humanité ainsi permise.
Comment comprendre cette mise en relation ? Lisons la suite :
« ... Il semble donc que la valeur qui se révèle, dès ce niveau, c’est la conviction que l’homme accomplit sa destination par cette aventure technique, intellectuelle, culturelle, spirituelle, oui, que l’homme est dans sa ligne de créature, quand, rompant avec la répétition de la nature, il se fait histoire, intégrant la nature même à son histoire, poursuivant une vaste entreprise d’humanisation de la nature. »
Le progrès est donc fait de tout ce qui dans la vie de l’humanité lui permet de parfaire sa situation dans le création, comme la technique, certes, mais aussi tout ce qu’elle produit par l’ensemble de sa culture et de sa vie spirituelle. N’oublions pas que la Genèse décrit la création de la nature comme on don destiné aux hommes qui en sont d’emblée les souverains.
Poursuivons :
« Il ne serait pas difficile de montrer avec détail comment le progrès technique, au sens le plus étroit et le plus matériel, réalise cette destination de l’homme : c’est lui qui a permis de soulager la peine des travailleurs, multiplié les relations interhumaines et amorcé ce règne de l’homme sur toute la création. Et cela est bien. /.../ » On devine qu’un tel programme se heurte à l’évidence de l’échec d’une telle espérance. Le débat sur ce qu’apporte le progrès technique s’engage alors : « Pourtant les discussions sur le progrès sont finalement assez stériles ; d’un côté on a tort de condamner l’évolution, mais de l’autre on n’a pas gagné grand chose à en faire l’éloge. En effet cette même épopée collective qui a une valeur positive, si on considère en bloc le destin des hommes, la réalisation de l’espèce humaine, devient beaucoup plus ambiguë si on la rapporte à l’homme concret. » Voici donc que l’espérance dans le progrès comme le désespoir d’en obtenir une vie meilleure sont donc renvoyés dos à dos ? Pas tout à fait. Lisons la suite : « A chaque époque ce que nous savons et ce que nous pouvons est à la fois chance et péril ; le même machinisme qui soulage la peine des hommes, qui multiplie les relations entre les hommes, qui atteste le règne de l’homme sur les choses, inaugure de nouveaux maux : le travail parcellaire, l’esclavage des usagers à l’égard des biens de civilisation, la guerre totale, l’injustice abstraite des grandes administrations, etc. On trouverait une même ambiguïté attachée à ce que nous appelions tout à l’heure le progrès de connaissance ou de conscience. » Aucun progrès n’est jamais acquis pour toujours mais son échec n’est jamais obligatoire : les hommes sont responsables de ce qu’ils font avec les découvertes qu’ils réalisent Toute philosophie du progrès est en même temps une philosophie de l’homme
C – Bilan : Le progressisme de nos jours :
- Thèse : Le progrès était une promesse d’un bonheur collectif dans lequel chacun trouverait à s’épanouir jusqu’à ses dernières potentialités. Cette promesse a 1) tantôt été politique (depuis Saint-Just : « le bonheur est une idée neuve en Europe »), 2) tantôt consumériste (véhiculé aujourd’hui par la publicité). Il s'agit d'un bonheur (/qu'il ait été politique ou consumériste, la consommation et la publicité ayant pris le relais des grandes promesses collectives, d’autant plus que la politique s’est changée en incitation à la consommation ou, du côté des partis dits progressistes en revendication de surcroît de consommation/) dans lequel nul n’aurait à regretter d’avoir vécu, ni même, au seuil de la mort, imaginer qu’il aurait pu avoir une vie meilleure. Cet effacement du regret de vivre, ou du regret tourné contre la vie, est la ligne d’horizon du concept de progrès ; cet effacement émousse la pointe tragique du sentiment de vivre, composée par « le trouble de penser et la peine de vivre ». Il semble qu'en tant que politique cet horizon se soit perdu, du moins qu’aujourd’hui on ne l’aperçoive plus.
La foi dans le progrès a longtemps pris la forme de la confiance. Saint-Simon précise même qu’il y a une double confiance : «la confiance du peuple pour les savants, échos de la confiance des savants les uns pour les autres». Avec Saint-Simon, les savants se vêtent de l’aura des prêtres d’autrefois. L’histoire humaine est continue, elle est, selon la formule de l’utopiste, «la route du bonheur». Finalement, « l’âge d’or du genre humain n’est point derrière nous, il est au-dedans, il est dans la perfection de l’ordre social».
- Antithèse : Eu égard à ses promesses – celles qui, implicitement, reposent entre les pages des livres de Descartes – le progrès est en échec. Plus : le progrès, sous toutes ses facettes, est en échec. L’échec du progrès éclate dans toute son évidence sur un triple plan : 1) le monde, 2) la société, 3) l’homme ne se sont pas hissés, à la faveur du progrès, à un statut d’être satisfaisant. Ils restent loin des promesses de départ, lorsque se forma le progressisme (à partir de Bacon puis de Descartes, et sur le fond des spéculations de Joachim de Flore). Des noms philosophiques peuvent répondre à ce triple échec : 1) échec anthropologique, Marcuse, 2) échec écologique, Jonas, 3) échec politique, Voegelin. Outre l’échec subjectif du progrès (l’effacement du mythe, de la croyance, de la foi), se manifeste désormais son triple échec objectif. C’est subjectivement et objectivement que le progrès est en échec.
- Synthèse : Les progrès sont partout et le progrès nulle part.
Écoutons Claude Lévi-Strauss « En plaçant hors du temps et de l'espace le modèle dont nous nous inspirons, nous courons certainement un risque, qui est de sous-évaluer la réalité du progrès. Notre position revient à dire que les hommes ont toujours et partout entrepris la même tâche en s'assignant le même objet, et qu'au cours de leur devenir les moyens seuls ont différé. J'avoue que cette attitude ne m'inquiète pas ; elle semble la mieux conforme aux faits, tels que nous les révèlent l'histoire et l'ethnographie ; et surtout elle me paraît plus féconde. Les zélateurs du progrès / entendu comme le progrès technique contemporain/ s'exposent à méconnaître, par le peu de cas qu'ils en font, les immenses richesses accumulées par l'humanité de part et d'autre de l'étroit sillon sur lequel ils gardent les yeux fixés ; en surestimant l'importance d'efforts passés, ils déprécient tous ceux qu'il nous reste à accomplir. Si les hommes ne se sont jamais attaqués qu'à une besogne, qui est de faire une société vivable, les forces qui ont animé nos lointains ancêtres sont aussi présentes en nous. Rien n'est joué ; nous pouvons tout reprendre. Ce qui fut fait et manqué peut être refait : « L'âge d'or qu'une aveugle superstition avait placé derrière (ou devant) nous, est en nous. » La fraternité humaine acquiert un sens concret en nous présentant, dans la plus pauvre tribu, notre image confirmée et une expérience dont, jointe à tant d'autres, nous pouvons nous assimiler les leçons. Nous retrouverons même à celles-ci une fraîcheur ancienne. Car, sachant que depuis des millénaires, l'homme n'est parvenu qu'à se répéter, nous accéderons à cette noblesse de la pensée qui consiste, par-delà toutes les redites, à donner pour point de départ à nos réflexions la grandeur indéfinissable des commencements. Claude Lévi-Strauss – Tristes tropiques Oui, si les cruautés dont nous sommes capables devant des migrants, nous semblent être de la barbarie dont on imagine qu’elle vient de l’origine bestiale de notre espèce, sachons que les forces humanistes qui ont animé les plus anciennes tribus humaines sont toujours en nous et qu’elles peuvent à tout moment reprendre le dessus. Et par-dessus tout, ne nous obstinons pas à ne considérer que les moyens mis en œuvre dans le mouvement du progrès ; considérons aussi les avancées décisives accomplie par la première humanité
Texte de COURNOT (économiste mathématicien et philosophe qui, durant le 19ème siècle il a influencé également l’épistémologie)
"Aucune idée, parmi celles qui se réfèrent à l'ordre des faits naturels, ne tient de plus près à la famille des idées religieuses que l'idée de progrès, et n'est plus propre à devenir le principe d'une foi religieuse pour ceux qui n'en n'ont plus d’autre. Explication : « Elle a, comme la foi religieuse, la vertu de relever les âmes et les caractères. » : le progressisme, c’est « L'idée du progrès indéfini, c'est l'idée d'une perfection suprême, d'une loi qui domine toutes les lois particulières, d'un but éminent auquel tous les êtres doivent concourir dans leur existence passagère. » Généralisation : « C’est donc au fond l'idée de divin : et il ne faut point être surpris si, chaque fois qu'elle est spécieusement évoquée en faveur d'une cause, les esprits les plus élevés, les âmes les plus généreuses se sentent entraînés de ce côté. » Ce progrès est considéré comme une issue suprême, voire transcendante par rapport à la vie quotidienne. Effet : « Il ne faut pas non plus s'étonner que le fanatisme y trouve un aliment et que la maxime qui tend à corrompre toutes les religions, celle que l'excellence de la fin justifie les moyens, corrompe aussi la religion du progrès. » Voilà à quoi aboutit cette religion : tous les malheurs provoqués par la venue de nouvelles pratiques, telles que le chômage, le saccage de la nature et sa destruction est justifié par avance par l’issue heureuse que ces pratiques seules permettent d’espérer atteindre.