Pensées sur les loisirs - « Tout le malheur des hommes vient de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre. » Pourquoi vouloir aller par milliers se confiner sur une plage, à Venise, à Rome ou ailleurs ? Avec Blaise Pascal, on l’expliquera par une angoisse : celle de la mort. On tente de la repousser par le divertissement, les loisirs, le tourisme. Alors que rester en repos dans sa chambre est un moyen de s’en accommoder. - « Vacances » vient du latin « vacare » qui signifie être vide, en manque de quelque chose . « Vacance » au singulier désigne un vide de l’âme, une vacuité. Il convient alors de remplacer la « vacance » par des « vacances », la nature ayant horreur du vide. - Au retour des vacances subsiste un fâcheux sentiment. Celui d’un manque. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir pris des photos et d’avoir coché toutes les cases de ce qu’il y avait à voir et à faire. Or, c’est dans le « faire » à tout prix que quelque chose se rate. - Les Romains distinguent l’otium du negotium. Le premier est un loisir studieux et vertueux, le second en est la négation. C’est l’affaire du marchand qui s’active dans le « négoce ». L’otium échappe à la marchandisation du monde et du temps. La prouesse du capitalisme est de l’avoir transformé en negotium et d’organiser les loisirs sur le même mode que le travail qu’il faut rentabiliser. - Mis aux arrêts pour une affaire de duel, Xavier de Maistre est enfermé dans sa chambre. Pour occuper cette oisiveté, il écrit et commence par décrire sa chambre et ce que lui inspirent les objets autour de lui. Un livre « Voyage autour de ma chambre ». Une escapade qui vaut bien le détour.
- Reims Mobilités. La mobilité est devenue un mot d’ordre. Il faut bouger. Gare à ceux qui restent en place, dans leur chambre. Cet acharnement à vouloir rendre mobile s’observe dans la recherche d’emploi, dans l’obligation de partir en vacances - pas en vacance -. Baudrillard parle de « mobilité effarée » pour cette frénésie. Visible sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle. « Le but c’est le chemin », disait Goethe. Pas si sûr.
Didier Martz, philosophe