15 - L'arbre, la feuille morte, l'écolier et le souffleur

Le mot métaphore vient du grec et signifie "au-delà", donc quand on utilise une métaphore, l'idée est de donner au message un sens qui va au-delà de ce qu'il reflète à première vue.

Un enfant s'est foulé l'orteil droit en glissant sur une feuille de platane. Morte était la feuille. Devant le scandale provoqué dans l'opinion par la présence d'une feuille morte sur les trottoirs de la République, le Ministre alerté a fait part de son émotion qu'il a partagé avec la famille et a indiqué que toute la lumière serait faite sur les causes de cet accident et que les responsabilités seraient identifiées. Aucune piste pour le moment n'est écartée même la piste terroriste. En effet, avec ce qu'on lui fait subir il est probable que la Nature ait eu envie de se venger par platane interposé. On sait que les arbres et cet arbre-là en particulier ont un génie propre et qu'ils communiquent entre eux. D'ailleurs de ma fenêtre qui donne sur le parking, j'ai pu observer que, bravant le macadam, un arbre, platane en l'occurrence, communique avec une saxiphrage ou casse-pierre et l'aide à pousser sur une paroi de béton. Les racines de l'arbre soulève le macadam, la plante fend le béton. D'aucun crierait au complotisme et dans les milieux qui s'autorisent on prend la thèse au sérieux.

Les premiers éléments d'enquête montre que la feuille est bien tombée de cet arbre, posté justement sur le chemin des écoliers. Cependant , mais la probabilité est faible, on ne néglige pas le fait qu'elle ait pu être placée là volontairement par quelqu'un d'autre. Mais rien ne permet de le dire, aucun indice ne montre qu'il y ait eu l'intervention d'un tiers prélevant une feuille sur le platane et la plaçant sur le chemin de l'école dans le but de blesser cet enfant-là en particulier. Les enquêteurs vérifieront néanmoins si l'arbre n'avait pas d'ennemis et qu'on ait voulu par ce moyen obtenir son enlèvement. En effet depuis quelque temps, récriminations et pétitions circulent pour obtenir l'abattage des arbres sur le parking au motif que les oiseaux, de collusion avec les arbres, inondent les voitures en tôle en les maculant de fientes.

Cette piste fut rapidement abandonnée et on se tourne résolument vers l'arbre dont on notera que régulièrement et à chaque saison il laisse tomber ses feuilles sur le chemin des écoliers. Pour se défendre, il dit que c'est pour leur rendre service car on demande aux écoliers de rapporter des feuilles en classe pour pouvoir les dessiner. Et le platane de leur offrir toute une palette de formes, de couleurs et de tailles pour qu'ils puissent faire leur dessin. Avec ironie on indiqua à l'arbre qu'il y a belle lurette qu'on ne dessine plus de feuille d'arbre pendant l'heure de dessin appelée aujourd'hui« arts plastiques ». De plus, les dessins étaient le plus souvent des caricatures de feuilles et n'auraient certainement pas convenues à l'arbre.

Un deuxième élément fit tourner l'attention vers celui qu'on appelle le souffleur de feuille. Oui, être souffleur de feuilles est l'activité qui consiste au XXIème siècle à souffler les feuilles d'un endroit à un autre. Est-ce que dans l'exercice de cette activité bruyante qui demande une grande concentration, le souffleur n'avait pas omis de souffler la feuille incriminée ? Peut-être même était-il de connivence avec l'arbre, allez-savoir. Après enquête et interrogatoire, l'accusé, qui de surcroît était d'origine étrangère, avoua, comme l'âne dans la fable coupable d'avoir manger un petit carré d'herbe, qu'il avait peut-être omis de souffler cette feuille. L'opinion n'y tint plus et cria haro sur le baudet ou plutôt sur le souffleur. Il fut déclaré responsable.

Jacques Prévert envoya deux escargots à l'enterrement de la feuille morte. Arrivés bien tard, ils regrettèrent de ne pas avoir entendu le discours du Ministre, qui fort du principe de précaution, soucieux du bien-être de ses concitoyens déclara l'arbre coupable et que même si ce n'était pas lui, c'était sans doute son frère tout proche. Il ordonna l’abatage sur le champ devant la foule agglomérée et réjouie

L'instituteur, adepte d'une pédagogie de l'observation, emmena ses élèves autour de l'arbre mort pour déterminer avec eux son âge – celui de l'arbre pas du maître – en comptant le nombre d'anneaux. Il allait avoir 100 ans. Ils allumèrent une bougie et déposèrent une rose blanche.

27 Novembre 2020 - Didier Martz, philosophe, auteur, essayeur d'idées https://youtu.be/epYN_ygH4Ts

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