1 C'est la rentrée

La Rentrée, un mot anodin mais qui divise et rejette

1 Ainsi va le monde : C'est la rentrée.

C'est la rentrée ou la reprise entend-on ici et là. Avec ce slogan domine l'impression que toutes et tous, petits et grands, vont reprendre, qui l'école, qui le travail et d'autres encore une activité laissée pour compte au mois de Juin, avant l'été. Un été, comme l'amour, plus brûlant qu'hier et bien moins que demain.

Mais qu'on ne s'y trompe pas la rentrée n'est pas pour tout le monde. On ne rentre que si on est sortis et on ne sort que si on est entré. Belle vérité de monsieur de La Palice. Or il se trouve que des individus, et souvent parce qu'ils ne sont rien, sont en plus nulle part ou entre-deux ne sortent ni ne rentrent. La rentrée ça vaut en effet et principalement pour ceux qui ont un travail, ceux qui vont à l'école ou encore ceux qui ont une activité associative par exemple. Or une majorité de la population ne sort d'une activité pour y rentrer ensuite. La population que l'on dit « inactive ». Le chômeur, le retraité, les personnes âgées, les jeunes fraîchement sortis de l'école et qui n'entreront pas dans la dite vie, les personnes handicapées et même les bébés, sauf certains qui iront à la crèche.

Il faut donc se méfier de ces slogans qui ont l'air de dire que toute une population est au même régime. Toute une population qui, à un moment aurait cessé son activité, aurait pris des vacances puis reprendrait le cours « normal » de la vie. A l'écoute du monde et de ses médias domine l'impression que toutes et tous marchent de ce pas là. Or il n'en est rien. Beaucoup, inactifs, sur le quai de la gare, regardent partir le train des actifs.

Il est triste celui qui regarde passer les rentrants. Alors que se clame partout, « c'est la rentrée », sur son visage on lit la marque d'une nostalgie, parfois d'un faible espoir, celui, peut-être, d'en être un jour, d'en être à nouveau. Dans tous les cas il ne participe plus de cette euphorie. Il a 56 ans, licencié après 38 années de travail et 26 réponses à sa lettre prenant en compte sa candidature, dont on le remercie, mais qu'après étude approfondie, on jugea que son « profil » ne correspondait pas au poste. Et il ne s'appelait même pas Mohamed !

Alors pourquoi clamer partout que « c'est la rentrée » alors que ce n'est pas le cas ? Pourquoi avec ce slogan veut-on généraliser un phénomène qui ne concerne qu'une partie de la population ? Car si on l'inquiète ou le contrarie, il ne reste rien de ce qu'il prétend dire comme vérité. Appliquons-lui la méthode de Quintilien, ce rhéteur latin du premier siècle après JC, appliquons-lui un principe qui renferme les circonstances de temps, de manière, de lieu : « qui, quoi, où, avec quels moyens, pourquoi, comment, quand ? » Mais attention après ce traitement appliqué à des notions ou des propos trop généraux, il n'en reste souvent plus rien. Vous avez dit « les gens » ? De quels gens parlez-vous ? De quel endroit de la planète, de la société ? De la ville ou de la campagne ? Du centre ville ou de la banlieue ? Des vieux ou des jeunes ? Des riches, des pauvres ? Etc. Sous le feu des questions, le mot explose, il devient inutilisable, il ne dit rien, c'est un mot vide. Alors petit exercice, c'est la rentrée certes. Mais qui est concerné? De quelle rentrée s'agit-il ? Où se passe-t-elle ? Depuis quand parle-t-on de rentrée ? Etc. Mais attention on risque bien de ne plus savoir quoi dire ! Et de se débarrasser du mot rentrée sauf lorsqu'il s'adresse au bambin de trois ans qui va faire sa première classe, quelques larmes dans le sourire.

Déjà l'été semble faire ses bagages, petit à petit l'automne s'installe, on en voit les signes un peu partout dans la nature. Quelque chose dans l'air d'indéfinissable : regarde, c'est la rentrée ! Ainsi va le monde !

Didier Martz, essayiste 24 Août 2020 Ainsi va le monde Une collection de 406 chroniques Edition de l'auteur www.cyberphilo.org

https://youtu.be/kDViGond5bw

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