402 - Des lieux de privation de liberté

Le mouvement récent des surveillants de prisons à attirer à nouveau l'attention sur ces lieux qu'on appelle lieux de privation de liberté. Au premier abord, on aurait tendance à penser qu'il s'agit encore dans cette appellation d'un euphémisme pour éviter d'appeler les choses par leur nom, surtout lorsqu'il désigne des réalités dures et brutales. La prison est une prison, un lieu d'enfermement de ceux qui ont commis des crimes ou des délits et, en effet, un lieu de privation de liberté. Mais l'appellation est au pluriel et désigne aussi bien les prisons que les hôpitaux psychiatriques et les centres de rétention, là où des individus sont « placés » contre leur gré.

Dans les hôpitaux psychiatriques sont placés d'office des malades dont les troubles psychiques compromettent l’ordre public ou la sûreté des personnes et représentent une menace pour eux-mêmes. La rétention administrative consiste, elle, à maintenir dans un lieu fermé un étranger qui ne peut pas quitter immédiatement la France. D'autres endroits sont classés officiellement dans la catégorie des lieux de privation de liberté : les centres éducatifs fermés réservés aux mineurs responsables d'actes délictueux ou criminels ; les locaux de garde-à-vue ou même les zones d'attente dans les ports ou les aéroports. Et d'autres encore mais l'essentiel est là et ces lieux ont bien pour caractéristique commune de détenir des individus qui y sont privés de leur liberté et qui s'y trouvent sans leur consentement. Évidemment, on connaît peu de gens qui y vont de leur plein gré !

D'un point de vue historique, il faut considérer que cette pratique massive de l'enfermement et de la rétention est relativement récente au regard de l'histoire. Michel Foucault l'a située vers le XVIIème siècle. En effet, la prison n'a pas toujours existé et on préférait se débarrasser des corps ou bien les supplicier. Ainsi sur le site web de l'auditoire de Joinville en Haute-Marne on lit qu' « en 1585 le bailli de Joinville condamne quatre membres de la famille Housdier accusés de sorcellerie à faire amende honorable de devant le parvis de Notre-Dame, à genoux, tête et pieds nus, ayant au poing une torche de cire du poids d'une demi-livre et illec (en ce lieu) crier merci à Dieu et à justice, ce fait être étranglés à un pilier près du gibet, leurs corps morts, brûlés être réduits en cendres".

Les temps ont changé. Aujourd'hui on préfère enfermer et on pensera justement que les sociétés ont bien progressé dans le soin qu'elles prennent de leurs habitants délictueux. Mais au-delà on a trouvé que ce n'était pas une idée si mauvaise que de rassembler des gens, de les concentrer pour diverses raisons. Ainsi les lieux de rassemblement des individus se sont multipliés et constellent le territoire. Camps de concentration, camps de harkis, camps de réfugiés, terrains de camping où on peut aller et venir librement. Il y a aussi les maisons de « retrait » et les EHPAD, les établissements d'hébergement de personnes agées dépendantes dont Jean-Marie Delarue, l'ancien contrôleur général des lieux de privation de liberté, disait qu'on ne pouvait certes pas les assimiler à des lieux de captivité mais que ce sont quand même, selon lui, des lieux fermés où on ne peut aller et venir librement et sans compter les autres restrictions de liberté. De plus, les personnes dites résidentes y sont le plus souvent, comme on dit, « placées » et on s'interroge sur leur consentement à participer à ce déplacement. Nous savons que les voies du choix volontaire même éclairées sont difficilement pénétrables !

Par extension, on trouve aussi des lieux de grande liberté où se rassemble volontairement des individus pour travailler, acheter ou encore s'amuser. On les appelle pudiquement des zones commerciales ou des parcs d'activité ou de loisirs. On y enferme même la nature, des arbres et des plantes. On ne sait jamais. Ainsi va le monde !

Didier Martz, philosophe 19 Février 2018

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