Ainsi va le monde n°367 – Morale et politique ne font pas bon ménage

Ce qu'on appelle pudiquement des « affaires » traversent la campagne électorale des présidentielles. Des hommes et des femmes en colère les appelleraient des scandales. On descendait autrefois dans la rue pour moins que cela. Certains se réjouiront de l'évolution des passions vers plus de mesure et de maîtrise pour une société plus amène et apaisée ; d'autres, au contraire, prôneront une liberté des émotions eu égard à l'immoralité des conduites, à l'injustice des situations. Ils s'indignent et se mettent en colère. Le philosophe Vladimir Jankélévitch, classé parmi les sages, faisait du ressentiment, un point d'appui pour garder vivace le sentiment d'injustice, d'humiliation. Dans le ressentiment disait-il : « le cœur est engagé, et c'est pourquoi il prélude au pardon cordial ».

Tout ceci pour réfléchir au rapport entre morale et politique dont on se demande s'ils peuvent faire « bon ménage ». Luc Ferry au détour d'une émission radiophonique indique que la morale n'est pas une bonne boussole en politique parce qu'elle obéit au magnétisme des émotions : Macron use des services de l'administration de Bercy pour mener campagne, Marine Le Pen emploie fictivement du personnel, Fillon use et abuse... « Et alors ! ajoute notre philosophe de service, qu'est-ce que cela peut bien faire ? Une campagne électorale n'a pas à être moralisatrice même s'il y a des limites. Et la morale n'a rien à voir avec la politique ». Chacun chez soi et les vaches seront bien gardées. La morale d'un côté, la politique de l'autre. Nous voulons un bon docteur compétent et pas un docteur certes moralement bon mais incompétent. Ici compétence technique et morale s'excluent mutuellement.

L'exemple est séduisant mais sommes-nous toujours prêts à payer le prix moral au bénéfice de la compétence ? Est-il possible de faire abstraction de la droiture et de l'honnêteté d'un homme et opter pour un programme politique bienfaisant ?A l'inverse, un mauvais programme politique, pernicieux, peut-il être soutenu au motif qu'il est porté par un honnête homme ? Hitler était, paraît-il, un homme doux et amène dans le privé. Il avait même un chien qu'il aimait beaucoup !

Même si nous admettons avec Pascal que le cœur a ses raisons que la raison méconnaît, nous savons intuitivement que la séparation du cœur et de la raison ne peut-être tenue absolument. Tout comme la séparation de la politique et de la morale. Et de l'homme ou de la femme qui l'incarne.

La question est tout de même difficile. Est-ce que parce que je porte de beaux costumes très coûteux, que je fais comme Bruno le Roux travailler mes enfants pour des salaires généreux, je ne peux pas avoir un programme politique en faveur de ceux qui sont défavorisés ? Est-ce que parce je place mon argent dans des paradis fiscaux, je ne peux pas être le ministre de la lutte contre les paradis fiscaux ? Non, il y a quelque chose qui ne va pas.

Pour André Comte-Sponville même si l'ordre de la politique a sa logique propre, il doit être régulé par la morale. Ainsi, si demain des citoyens votaient pour des programmes politiques qui implicitement reposent sur l'idée qu'il y aurait des hommes inégaux en droit et en dignité, cela ne changerait rien à la justesse du contraire. La morale s'y oppose. « Elle interdit au souverain d'avoir tous les droits ».

Sur le plan individuel, on peut aussi penser qu'un écart existe toujours entre les actes et les paroles, le fameux « faites ce que je dis et pas ce que je fais » et que nous sommes tous atteints, peu ou prou de cette schizophrénie. Mais, il ne faut pas exagérer !!!!

Bref, je sens bien, du verbe « sentir », que quelque chose ne va pas... mais je n'arrive pas à savoir quoi... Ainsi va le monde !!!!

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