L'utilité fait ici penser à l'utilitarisme et au pragmatisme. Le premier repose sur un calcul. Si je vote pour X, cela aura telle conséquence, si je vote pour Y cela aura telle autre conséquence. Le vote utile est déterminé par une pesée des avantages et des inconvénients pour soi, ou pour les autres. Prenons un exemple simple : est-ce qu'il est vraiment utile que je participe à cette réunion ? Ma participation est ici examinée sous l'angle de l'avantage ou du désavantage qu'elle peut me procurer ou procurer aux autres. Je fais un calcul de probabilité toujours aléatoire puisque je ne dispose pas de tous les éléments pour choisir. Le vote utile est un calcul de probabilité sur sa rentabilité et son efficacité afin que la voix ne soit pas perdue.
Le pragmatisme est le partenaire obligé de l'utilitarisme. Il permet de rendre une action efficace par la simple capacité à s’adapter aux contraintes de la réalité. C'est « faire preuve de réalisme » : « voyons ce candidat n'a aucune chance », et, cerise sur le gâteau, le fameux « il n'y a pas d'alternative » qui tétanise la pensée et bouche les horizons.
Le point commun de tous ces « ismes », « utilitarisme », « pragmatisme », « réalisme », est qu'il fait passer au second plan les convictions. En votant utile, mes convictions ou la moralité du candidat n'entrent pas en ligne de compte. En poussant le bouchon un peu plus loin, au nom de l'efficacité et de l'utilité, je peux donc voter pour un candidat immoral. Seules les conséquences de mon choix pourront juger de sa pertinence.
Dans ce cas, est-ce qu'il est vraiment utile d'avoir des candidats inutiles ? Ne pourrait-on laisser les experts et les sondeurs déterminer le candidat le plus utile et par conséquent se passer du point de vue des électeurs ? Comme le dit Gérard Miller, psychanalyste, dans un article du Monde, « on se demanderait même pourquoi continuent de se présenter à l’élection présidentielle des candidats qui, d’après les sondages, ne sont pas assurés d’être au second tour. » La chaîne de télévision TF1, en sélectionnant a priori pour un débat les candidats susceptibles d'être en tête à l'election anticipe largement cette idée. A quoi bon en effet entendre le point de vue des candidats dits par avance « petits » ?
Or il y a pourtant au moins une raison dit encore Gérard Miller : « c’est qu’une élection démocratique suppose la confrontation des idées et pas la prise en compte anticipée d’un résultat aléatoire. » A moins que ce ne soit pas utile, que ça ne serve à rien. Mais « ne servir à rien c'est déjà beaucoup ! » Ainsi va le monde ! Le mardi 21 Mars 2017