Ainsi va le monde n°363 - Elections, piège à cons

« Élections, piège à cons ». Plutôt qu'une vulgarité, la formule est désormais un concept utile pour l'analyse politique ou pour qualifier des faits de la vie ordinaire.

Chaque période électorale réactualise cette expression utilisée autrefois par ceux qu'on appelle les soixante-huitards et par Jean-Paul Sartre dans un article des Temps Modernes. En gros, il s'agissait pour les premiers de mettre en garde sur les effets néfastes qu'auraient des élections sur leur mouvement de révolte et de protestation. La suite leur prouva qu'ils n'avaient pas complètement tort. Pour être complet, j'ajouterai que l'expression vient aussi et peut être d'abord des militaires pour désigner une opération qui conduit au désastre.

Gardant son sens profond, l'expression est toujours utilisée lors des élections pour indiquer qu'il y aurait dans leur jeu, le jeu électoral, quelque chose comme une duperie, une arnaque. Jean-Paul Sartre allait plus loin - ou au-delà - en montrant que le piège était plutôt dans la procédure utilisée pour voter, celle qui consiste à demander aux électeurs de s'isoler pour glisser leur bulletin dans l'enveloppe. Comme son nom l'indique l'isoloir isole. Il sépare l'individu de son appartenance à un collectif. De plus, pour Sartre, l'isoloir rendait la traîtrise et le mensonge possibles.

La formule lapidaire « Elections, piège à cons » oblige à s'interroger sur la nature des pré-nommés. Des personnages stupides qui se font avoir, capables de voter contre eux-mêmes et contre leurs intérêts. Les exemples sont nombreux dans l'histoire – Hitler en Allemagne, Franco en Espagne – et certains n'hésitent pas à dire que les américains auraient voté contre eux-mêmes en portant Donald Trump à la présidence des Etats-Unis. Les peuples peuvent se tromper mais au nom de quoi peut-on les juger ? Qui est l'arbitre du juste ? S'il se manifeste avant, l'arbitre peut juger caducs les résultats d'une élection et contester leur validité, ce qu serait anti-démocratique. Le plus souvent hélas, l'arbitre se manifeste après et ce sont les évènements qui tranchent et jugeront de la pertinence des choix opérés par le dit peuple électoral.

Aussi les sciences politiques s'intéressent à la psyché des électeurs. Les résultats de leurs recherches signent la mort de l'électeur rationnel, capable de peser le pour et le contre, libre de ses choix. En fait, disent-elles, les citoyens mobilisent rarement l'information dont ils disposent, sont influencés par le dernier qui parle ou le dernier événement survenu. Ils sont traversés d'affects et des variations qui vont avec et cèdent facilement sur leur loyauté et leur fidélité. Que dire alors de majorités constituées sur des bases aussi légères ?

Hier, sensibles à cet aspect, les révolutionnaires refusaient le vote aux femmes et aux domestiques au prétexte qu'ils étaient trop influençables, les unes par leur curé, les autres par leur patron. Aujourd'hui, la peur, l'insécurité, le complotisme mettent facilement le peuple sous influence. Aussi, des voix autorisées, ou qui s'autorisent, posent la question de savoir s'il ne faudrait pas destituer un peuple composés de « cons » qui ne votent pas ou qui votent mal ! Et même lorsqu'ils sont éclairés par des « déniaisés », comme on les appelait !

C'est en bonne voie. Un certain Martin Hirsch, personnalité aux nombreux titres, déclarait en 2010, sans plaisanter, qu'il fallait, je cite : « refaire le suffrage censitaire. Donner deux voix aux jeunes quand les vieux n'en ont qu'une... Il faut donner autant de voix qu'on a d'années d'espérance de vie... ». En effet, pourquoi engager mon pays dans tel chemin politique délétère alors que statistiquement je meurs dans deux ans ! Ainsi va le monde ! Le mercredi 1er mars 2017

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