Ainsi va le monde – N°390 Le footballeur et le prêtre

Où l'on a les héros qu'on peut... ou veut !

Le conseil municipal de la ville de Reims attribue une enveloppe de 200.000 euros pour la réalisation d'une statue en bronze du célèbre joueur de football Raymond Kopa, avant-centre de la non moins célèbre équipe de football de Reims dans les années 50 et 60. Il ne fut pas le meilleur à côté de Just Fontaine ou Robert Jonquet mais l'histoire a retenu son nom et en a fait une légende. Et côté football, lorsqu'on a un présent vide et atone, on a intérêt à avoir un passé riche et intense quitte à l'arranger un peu. Et pas seulement du côté du football d'ailleurs, il en va de même pour une ville. Privée d'un présent riche et intense, hormis ses marchés de Nöel, défilés et autres manifestations et lieux consuméristes, elle se penche sur son passé et tente d'y trouver matière à glorioles.

Certes Raymond Kopa fut un grand joueur – pas le seul à Reims – et on se demande ce qui est passé par la tête de quelques décideurs en mal d'idée d'en faire une statue, de bronze et de deux cents mille euros ! Ne chicanons pas sur le matériau utilisé qui aurait pu être d'or, d'argent et de marbre et la somme qui aurait pu être plus élevée, mais on a beau être dans le symbole il faut quand même être réaliste et soucieux des deniers des contribuables, lesquels on s'en doute se réjouissent déjà à l'idée de voir trôner la statue à un endroit quelconque de la ville. On imagine d'ailleurs que quelque conseil de quartier s'emparera de la question du lieu d'implantation faute d'avoir été interrogé sur la pertinence et l'opportunité d'une telle statue. Ce fut le cas ou ce sera le cas pour le Luchrone dit « l'oeuf » au grand dam de son auteur Alain Laboucher dont on ne sait pas bien quoi faire... de l'oeuf, pas de l'auteur bien sûr !

Parce que c'est une question de symbole presque de valeur. « L'oeuf » ou Luchrone est plus une performance qu'une œuvre au sens classique et ne veut a priori rien dire. Cependant a bien y regarder on finirait quand même par lui trouver sinon du sens au moins une signification. Rien de tel pour la statue d'un footballeur, elle parle de suite aux foules sans ambages et interprétations. Le footballeur c'est la force, la persévérance, la ténacité, et caetera. On dit aussi l'intelligence ! Même si j'en doute en voyant ces hordes de supporters encadrés de CRS se rendant sur les stades en beuglant des onomatopées incompréhensibles, s'invectivant et au besoin s'assommant. Même si Albert Camus disait : »  Ce que je sais de la morale, c’est au football que je le dois… ». Enfin c'était en 1957, il y a 60 ans, à l'époque de Kopa.

Je ne sais si c'est affaire de morale mais j'observe que l'adage selon lequel « quand on veut on peut » trouve ici une belle illustration. Décédé le 3 mars 2017, les élus décident, 8 mois après, d'octroyer une subvention de 200.000 euros pour la réalisation de la statue de celui qu'on appelle, allez savoir pourquoi le « Napoléon du football »... un autre symbole sans doute ! Il s’appelle Charles Eugène Miroy (1828-1871), un petit prêtre marnais. Fusillé par les Prussiens le 12 février 1871 pour avoir soustrait à la réquisition prussienne quelques fusils. Il pensait juste que « la qualité de citoyen ne s’efface pas devant l’état de prêtre ». Par le sculpteur et rémois Saint Marceaux, il eût sa statue de bronze gisant sur sa tombe en 1873. Déplacée pour cause de menaces, elle gît aujourd'hui dans le fond d'une cave à trente pieds sous terre et, faute d'argent, elle attend depuis un bon moment sa copie pour être replacée sur la tombe. Ni d'or, ni de bronze, ni à 200.000 euros mais une copie de simple résine et pour presque 100 fois moins. Mais l'abbé Miroy, c'est juste de la résistance, du courage, de l'héroïsme, moins glorieux que les « dieux du stade». Ainsi va le monde ! Didier Martz, essayiste Mardi 21 Novembre 2017 www.cyberphilo.org

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