Café-Philo – Séance du 25 mars 2017 à la Brasserie Le Stalingrad

Comment savons-nous que nous sommes adultes ? Avant qu'on me pose la question, je savais...

Le débat s’articule autour la question : Qu’est-ce donc qu’un adulte ? qui entraîne une succession de critères.

On part de la définition classique : un adulte est un individu qui est parvenu à sa maturité, c’est à dire à la plénitude de son développement physique et moral ; plus précisément, un adulte doit être identifié comme celui qui assume ses actes, en particulier ses erreurs.

La définition passe alors au volet économique et juridique : l’adulte est aussi celui qui jouit de son autonomie économique, et on cite comme contre-exemple le cas des femmes jugées autrefois comme des mineures et pour cela privées de la capacité à gérer leurs biens (posséder un compte en banque n’a été possible pour les femmes mariées qu’à la condition d’avoir l’autorisation de leur mari jusqu’en 1965). Mais aujourd’hui on pourrait reposer la question à propos des bénéficiaires du RSA.

Cette perspective ouvre une nouvelle question : au lieu de dire comment on passe de l’enfance à l’âge adulte, on peut aussi s’interroger : comment perd-on le statut d’adulte en devenant une personne assistée ? C’est ainsi qu’en devenant handicapé physique (suite à un AVC) ou économique (RSA) on peut cesser d’être considéré comme un adulte responsable de lui-même. Certains proposent même de considérer les classes sociales comme étant réparties selon ce principe : les membres des classes supérieures seraient des adultes et ceux des classes populaires des mineurs – ce qui fut fait au 19ème siècle (le droit de vote refusé aux pauvres et aux femmes).

On arrive alors au volet juridique de la définition :

de l’alternative enfant/adulte on passe à mineur/majeur (1). La personne majeure est celle qui jouit des droits accordés à un adulte. On rappelle le texte dans le quel Tocqueville estime qu’on passe du statu d’adulte à celui de mineur lorsqu’on s’en remet à la puissance publique pour gérer ses biens, organiser sa vie, définir le bien et le mal.

On s’interroge enfin sur sens psychologique et anthropologique du mot. On insiste d’abord sur le passage du stade de l’enfance à celui de l’âge adulte. On observe alors que ce passage ne peut pas être défini de façon universelle : si l’adulte est bien celui qui a atteint un certain niveau de développement cognitif qui lui permet entre autre de maitriser ses émotions, on souligne néanmoins que les sociétés traditionnelles ont institué des rites de passages, montrant par là que l’âge adulte a avant tout une valeur symbolique et donc culturelle. De plus, si le rite est nécessaire, alors faudrait-il admettre qu’on ne devienne pas adulte de façon naturelle ?

On arrive ainsi au caractère incertain de la distinction dans les faits de chacun de ces stades. Si l’on admet que l’enfance reste dans le registre des émotions, et que l’adulte aurait la faculté d’utiliser la parole à bon escient, alors il faut avouer que l’on n’est jamais assuré d’être définitivement dans l’un ou l’autre de ces états. L’adulte n’est-il pas toujours susceptible de faire une « régression infantile » ?

On se sépare à 19 heures en se donnant rendez-vous au 29 avril. Compte-rendu : J-P Hamel

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(1) « La paresse et la lâcheté sont les causes qui expliquent qu'un si grand nombre d'hommes, après que la nature les a affranchis depuis longtemps d'une direction étrangère …, restent cependant volontiers, leur vie durant, mineurs … Il est si aisé d'être mineur ! Si j'ai un livre, qui me tient lieu d'entendement, un directeur, qui me tient lieu de conscience, un médecin, qui décide pour moi de mon régime, etc..., je n'ai vraiment pas besoin de me donner de peine moi-même. Je n'ai pas besoin de penser, pourvu que je puisse payer… » Kant – Qu’est-ce que les lumières ? (1784)

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